Il pouvait sembler évident, jusqu’à une période très récente, que la formule célèbre du juge Blackmun selon laquelle, « pour en finir avec le racisme, nous devons d’abord prendre la race en compte »1 n’avait aucune chance de s’acclimater en France. La culture politique républicaine, exprimée et confortée par des principes constitutionnels fermement énoncés2, s’opposait à la prise en compte d’un critère de catégorisation tenu pour intrinsèquement infamant et dénué de tout contenu positif : le droit français contemporain ne mentionne la « race » que pour en proscrire la prise en compte ; la seule « race » qu’il connaisse est la race du raciste.