Les enquêtes ethnographiques en situation coloniale sont explicitement une incarnation de la mission civilisatrice qui « découvre » scientifiquement les populations en les assujettissant. Elles produisent en conséquence des représentations qui confirment les différences justifiant la domination. Mais elles sont aussi des incursions d’une société dans l’autre et elles reposent sur des formes d’empathie mises en exergue dès le début du XXe siècle par des enquêteurs soucieux de faire reconnaître la spécificité du savoir qu’ils accumulent sur les populations qu’ils sont chargés de dominer. Elles relèvent donc de ce que Georges Balandier définit comme « l’inauthenticité » fondamentale de la société coloniale1, tout en introduisant une logique exogène en contradiction latente avec l’ordre colonial, et. Ainsi parce qu’elles oscillent entre conformisme et transgression, elles investissent une marge d’autonomie inattendue au coeur même de la situation coloniale.