Malgré l'ancienneté des travaux portant sur l'alimentation, notamment en anthropologie, la prise de conscience de son aspect emblématique et son caractère de ‘fait social total’ n'ont été réellement pris en compte que depuis peu. Beaucoup d'anthropologues se sont certes penchés sur ce domaine (Goody ; Bromberger ; Douglas), sans pour autant qu'il constitue un thème de recherche unique. C'est par le détour de la parenté que J. Carsten (1994, 2000) va contribuer à montrer le caractère central de la nourriture. Pour elle, le partage de la nourriture et celui d'un même espace, la maison, construisent littéralement de la parenté. Cette construction est pour Carsten un processus qui s'actualise constamment dans le présent du quotidien, dans la plupart des actes a priori insignifiants que sont le repas en commun, la distribution de nourriture aux voisins (2000 :18). Soulignant l'importance de la performativité, ses recherches rejoignent les travaux sur le genre. Ces derniers portent leur attention sur le domaine de l'alimentaire, tout en rattachant la cuisine aux évolutions de l'organisation sociale et conséquemment de la « famille » (McLean 2013). C'est tout le débat qui apparaît après les années 1990 avec les études de Counihan (1999), qui note à la fois l'influence des femmes en matière de nutrition et celle des liens tissés par le biais de la nourriture. D'autres travaux dans ce domaine proposent une lecture à l'aide du concept de masculinité hégémonique et de féminité accentuée qui fonctionne comme cadre explicatif dominant (Sobal 2005). La masculinité hégémonique est définie par Connell (2002 : 61–62) comme un ensemble de pratiques (normatives)—construites en direction des femmes mais aussi des masculinités subordonnées—qui permet à la domination masculine de se perpétuer. Ce concept a ensuite fait l'objet d'ajustements et de nuances (Sumpter 2015; Connell et Messerschmidt 2005). Selon Connell et Messerschmidt (2005 : 837), il convient d'adopter une approche du genre qui soit toujours relationnelle.
A la suite de Lupton, qui définit la nourriture comme pourvoyeuse d'expériences émotionnelles intenses entrelacées de sensations corporelles (1996), Naguib (2015) et Sutton (2014) inscrivent la nourriture dans une approche du concret, choisissant de proposer une analyse de l'expérience esthétique, voire synesthésique de la nourriture. Ces travaux récents, qui mettent en avant l'importance quasi vitale du culinaire, ont aussi comme particularité de proposer, ou plutôt d'expérimenter, des modalités méthodologiques innovantes. Ainsi Counihan (1999) a conduit, puis analysé, des récits de vie trans-générationnels en Italie; Naguib (2015) propose une ethnographie à partir d'enquêtes quasi quotidiennes sur le très long terme, avec des informateurs qu'elle connaissait depuis ses premières recherches dans les années 1980 ; Sutton (2014) mélange des entretiens, de l'observation et des vidéos. Toutes ces études ont pour particularité d'être réalisées sur le très long terme.
L'objectif de ce court article est de brosser un tableau des pratiques quotidiennes et du rapport des femmes au culinaire. Ce faisant, il vise à analyser comment les femmes tissent, maintiennent ou transforment des liens, dans un contexte de société patriarcale. Les travaux de Carsten (1994, 2000) sur le processus de création relationnelle mis en œuvre au travers du partage de la nourriture nous ont en partie inspirée, de même que ceux de Déchaux qui propose de reconsidérer les rapports homme / femme sous l'angle de l'analyse de réseaux (Déchaux 2006 : 32). Notre interrogation a porté essentiellement sur l'analyse des liens sociaux et le partage de nourriture, ce qui nous a permis de voir clairement le caractère changeant des rapports de force dans la parenté, le jeu des parentèles, autrement dit de mettre à jour le processus d'entretien des relations pratiques (Bourdieu 1980 : 281). Dans un contexte de société patriarcale, le prisme de la nourriture permet de suivre les logiques relationnelles que les femmes mettent en place pour créer des relations, ainsi que leur évolution. En tenant compte du contexte de la Turquie contemporaine, nous avons cherché à voir si la dichotomie au sein de la classe moyenne entre conservateurs et laïcs avait une influence sur ces pratiques, et nous avons inclus dans l'analyse deux groupes de femmes, des musulmanes pratiquantes et non-pratiquantes. Nous nous sommes intéressée aux différents cercles relationnels des femmes, dont les interactions sont reflétées dans les offres de nourriture : la maison, les voisins/amies et enfin les consommations à l'extérieur. Ces différentes sphères nous permettent de mieux cerner à la fois les stratégies relationnelles féminines et les rapports de force en présence.
Précisions méthodologiques
Après les années 1980, en Turquie, de profondes mutations familiales ont vu le jour (Kağıtçıbaşı et Ataca 2015) et se sont poursuivies après l'arrivée au pouvoir de l'AKP au début des années 2000. La redistribution du capital à partir de cette date a entraîné une transformation sociale concrétisée par l'apparition d'une bourgeoisie et d'une classe moyenne conservatrices (Danis et al. 2019). La classe moyenne turque présente ainsi un aspect très hétérogène, multipliant les modes de différenciation, tant au niveau culturel que moral (Karademir Hazir 2014 : 679). Bien qu'il existe de plus en plus de travaux sur les pratiques culturelles de consommation de la classe moyenne en Turquie (Arun 2012 ; Rankin et Ergin 2017), peu d'entre eux effectuent des enquêtes dans deux groupes distincts, parce que les chercheurs appartiennent en général à l'ancienne classe moyenne laïque (Danis et al. 2019 : 23). Une méthodologie d'enquête ad hoc a donc été choisie : des entretiens ont été conduits auprès de deux groupes de femmes mariées de la classe moyenne, musulmanes pratiquantes ou non. En tout, 32 entretiens ont été menés, 17 avec des femmes non-pratiquantes, 15 avec des femmes pratiquantes; la dispersion sociale en termes de catégorie est à peu près la même dans les deux groupes, qui comprennent des femmes ayant entre 31 et 70 ans (voir annexe). Seules une vingtaine d'enquêtes ont été réalisées en présentiel, les autres ont été conduites par des connaissances ; des compléments d'information ont pu être demandés. Un petit pourcentage a été rempli par les enquêtées, toujours avec la possibilité de compléter l'information. Résidant depuis plus de quinze ans en Turquie, ma pratique anthropologique se fonde aussi sur des enquêtes de terrain et de l'observation participante, ce qui m'a permis de varier les focales (Bromberger 1987) afin de bien pouvoir replacer les discours dans leur réalité pratique.
Matrilatéralité, care
De manière générale et traditionnellement—comme un peu partout dans le monde— la transformation de la nourriture est attachée intrinsèquement aux femmes (Durakbaşa et Cindoğlu 2002 : 86). Pour l'ancienne génération, la femme nourrit ses enfants, et l'une de ses obligations est de procurer de la nourriture : ne pas remplir ce devoir pouvait conduire au divorce ou expliquer le fait qu'un homme ait eu une relation extra-conjugale. Inversement, on dit que « le chemin qui mène au cœur de l'homme passe par l'estomac » (erkeğin kalbine giden yol midesinden geçer). Autrefois la jeune mariée apprenait à cuisiner dans sa belle-famille, et même si celle-ci était loin, elle s'accordait généralement aux habitudes familiales de son mari. Plus tard, une fois expérimentée, elle pouvait innover et proposer des plats nouveaux, mais ne les maintenait que si le mari les avait appréciés.
La cuisine, comme le ménage, fait encore bien partie de l'activité normée des femmes, toutes générations confondues (Paçacioğlu 2018). L'apprentissage de l'activité culinaire se fait toujours en très grande partie après le mariage. La majorité des femmes avec lesquelles je me suis entretenue ne savaient cuisiner que quelques préparations spécifiques aux réunions féminines (feuilletés börek, cakes, préparations du petit déjeuner) avant leur mariage. Bien que toutes précisent avoir été formées par l'observation (gözlem) de la pratique maternelle, ce n'est qu'une fois mariées qu'elles apprennent à préparer les plats (yemek), c'est-à-dire les plats en sauce (ev, sulu yemeği). Or, contrairement au passé, la très grande majorité des enquêtées a appris à faire la cuisine par les livres ou via internet, ou en demandant à leur propre mère. L'apport de la belle-mère est moindre qu'autrefois. La transition est assez claire dans les deux groupes1, puisque seules les femmes de plus de 60 ans mentionnent des difficultés dans les relations avec leur belle-famille. L'une d'elles, qui vivait avec sa belle-mère, s'était vue refuser l'accès à la cuisine (14/70P).
Entre les deux groupes, le pourcentage de femmes qui aiment faire la cuisine et celui de celles qui ne l'aiment pas est identique et correspond à quasiment la moitié. Lorsqu'elles aiment faire la cuisine, elles l'adorent et sont enthousiastes. Les raisons données par celles qui sont plus réservées sont avant tout le manque de temps (« Cela m'énerve parce que ça me prend beaucoup de temps » 6/34P) ; la charge mentale pour le choix des plats (« Penser à ce que je vais faire m'est vraiment pénible » 6/34P ; 18/34NP) et la monotonie (« Cela m'ennuie parce que c'est tous les jours » 29/63NP). De manière générale, les femmes considèrent que la tâche leur est dévolue. Une participante a exprimé très clairement le fait que c'était à la mère qu'il incombait de nourrir. Toutes les femmes précisent que c'est elles qui font la cuisine, de rares cas dans les deux groupes notent que leur mari les aide—une seule affirme que cette tâche n'est pas dévolue à l'un ou l'autre—, mais une très grande majorité fait appel à l'aide de leurs aînées—le plus souvent, la mère. L'une des enquêtées a enseigné à son mari comment confectionner certains plats, pour la remplacer en cas de problèmes de santé.
Les femmes socialisées dans les années 60 et avant donnent effectivement la priorité à la distribution de nourriture, elles la considèrent comme leur devoir, qu'elles l'apprécient ou pas « Euh… aimer… je le fais parce que c'est mon devoir (görevim) » (26/70NP). Les générations plus jeunes le font aussi. Mais, d'une part, elles expriment de manière extrêmement claire leur fatigue vis-à-vis de ce rôle. D'autre part, elles ne proposent pas les mêmes plats—classiques—que leurs aînées, plats qui demandent un temps de préparation plus important (« Moi je fais des plats de cuisine classique turque ; notre bru elle prépare des salades, des pâtes, des pizzas » 31/43NP). En réalité, les femmes peuvent agir ainsi car, le plus souvent, elles obtiennent le soutien quasiment sans faille de leurs aînées. Autrefois, les rapports belle-mère / belle-fille étaient souvent hiérarchiques, marqués par des rapports d'autorité. Les familles en milieu urbain sont situées à proximité de l'un des grands-parents, le plus souvent la mère de la bru, surtout après l'apparition du premier enfant. Autrement dit, les grands-mères constituent actuellement un soutien, bien plus qu'un problème. Les jeunes femmes qui travaillent notamment, considèrent (dans les deux groupes) comme une aide précieuse le séjour—plus ou moins prolongé—de l'une des deux grand-mères dans leur foyer. Il arrive fréquemment que le couple déménage pour se rapprocher de la mère de la femme. C'est donc une évolution très importante, qui souligne clairement l'apparition d'une matrilatéralité2, accentuée pour une partie des échanges, dans la parenté. De même, toutes les femmes grands-mères dans notre échantillon ont la charge de leurs petits-enfants, et notamment la préparation de leur repas, voire celui de leur fille ou bru. Cet état de choses a été spécifié dans d'autres recherches, qui en ont montré l'ambivalence. En effet, les femmes qui poursuivent leur travail de care envers leur fille et leurs petits-enfants tournent le dos à la bienséance ancienne, qui veut que leur priorité soit accordée à la belle-famille. En aidant et en continuant à s'occuper de leur fille, elles maintiennent leur fonction nutritive, tout en se positionnant en opposition au système hiérarchique de genre (Kavas et Gündüz-Hoşgör 2013). Ekal avait déjà noté en 2006 (2006 : 2, 30) que la prise en compte des frontières de la famille nucléaire du nouveau couple permettait aux belles-mères de se présenter et de se définir comme modernes. On le voit, les femmes jouent donc avec les règles existantes, les transformant peu à peu. Ce sont elles qui poussent leurs filles à faire des études et qui, tout en les soutenant encore lorsqu'elles sont mariées, mères et intégrées dans le monde du travail, transforment aussi lentement le système des échanges au sein de la parenté. Ce constat rejoint les résultats de l'enquête menée par Kağıtçıbaşı et Ataca (2005 : 334–335), qui soulignaient l'apparition d'une préférence pour la fille, cette dernière assurant un soutien dans le vieil âge. Tous ces éléments montrent à la fois que les femmes ont un rôle pivot dans les relations pratiques et la parenté pratique (Déchaux 2009) mais aussi que la parenté n'est pas statique ni immuable (Fliche 2006).
Enfin, le care englobe la prise en charge des enfants (Berfin 2016 : 126). Sur ce point, les réponses sont identiques dans les deux groupes, l'accent est mis sur le choix des produits (le plus naturel possible), la présence de légumes (citée par toutes les femmes) et surtout le ‘fait maison’ (ev yapımı). Ici, le discours relève en très grande majorité du « manger sain », qui fait référence à une norme des classes favorisées reprise par les classes moyennes, quelle que soit la pratique religieuse, même si la définition de ce qui est « sain » peut varier, comme l'a noté Uğurlu (2012 : 40). Beaucoup font le yaourt chez elles, l'une des enquêtées m'a expliqué avoir commencé à s'intéresser à l'aspect sain de la nourriture après que son pédiatre lui ait recommandé de faire elle-même le yaourt. Depuis, cette interlocutrice prépare aussi des bouillons de viande (« pour booster le système immunitaire ») et ne cesse de se documenter sur le sujet (10/53P). Ainsi, « ce qui est fait à la maison » est important à la fois pour le ‘faire famille’, mais aussi pour sa protection.
Négociations
Faire la cuisine est donc une affaire de femmes. Mais des indices sont bien là pour montrer qu'il réside dans cette fonction un certain pouvoir : dans les villages, et lorsque cela était possible économiquement, la première revendication des brus était d'avoir une cuisine séparée du foyer des beaux-parents (Sauner-Nebioglu 1995 : 215). Pour la majorité des enquêtées, la confection des plats en sauce, des plats « maison » (ev yemeği) est acquise par le mariage. On pourrait dire qu'une femme qui sait cuisiner est une femme mariée.
La plupart des époux avaient, avant de se marier, des habitudes alimentaires proches (cela correspond à deux tiers des femmes interrogées). Les différences soulignées sont régionales (entre la région égéenne, connue pour ses plats à base de plantes, et la région du sud-est, connue pour sa primauté donnée à la viande, mais aussi la région de la Mer Noire qui présente des particularités culinaires spécifiques). D'autres différences ont été relevées, sans être considérées comme très importantes—l'habitude de plus ou moins épicer les plats, la préparation d'un plat emblématique (kuymak, 11/39P) ou le fait d'utiliser plus ou moins de concentré de tomates (salça), des techniques de cuisson différentes (21/34NP). Certaines notent un rejet d'une partie des habitudes du mari, lorsqu'elles ressortent de pratiques régionales (« Je suis d'Izmir, il est de la Mer Noire ; ils ont des plats bizarres que je n'aime pas, je préfère les plats à base d'huile d'olive » 24/39NP).
Sobal (2005) affirme que dans les faits, la femme cuisine ce que veut le mari et Counihan (1999 : 49) explique que la femme peut malgré tout avoir sur ce point une certaine influence. Une possibilité de négociation existe effectivement, qui tiendra à de nombreux facteurs dont la qualité de la relation entre époux. D'après les réponses obtenues et en dehors de quelques cas particuliers, c'est essentiellement la femme qui décide du contenu du repas, qui ne fait pas l'objet de discussion—en grande partie parce que les habitus sont partagés. Ceci est d'autant plus vrai pour les nouvelles générations. Autrement dit, si autrefois, au niveau des discours, les femmes cuisinaient ce que voulait leur mari, dans la pratique actuelle, les femmes font ce qu'elles veulent—ce qu'elles peuvent. Certaines essayent de modifier les habitudes de leur conjoint, de manière à ce qu'il ne désire que ce qu'elles préparent. («J'ai changé ses habitudes, il ne recherche plus le goût du bouillon de poule dans le pilav » 16/38NP). C'est aussi ce qu'a relevé Uğurlu (2012 : 49), qui note que les femmes ont tendance à chercher à ce que leur mari se conforme à leurs habitudes. Des conflits apparaissent au début du mariage, mais se résolvent généralement avec la naissance de l'enfant au profit des habitudes de la femme (Ugurlu 2012 : 50). Lorsqu'elles acquièrent les habitudes de leur mari, ce n'est qu'en partie seulement, et dans le cadre de ce qu'elles considèrent comme une « amélioration » (« J'ai découvert totalement les plats à base d'huile d'olive, il fallait que je m'améliore» 7/38P). Dans les deux seuls cas où la concertation ne s'est pas faite, le mari impose un seul type de nourriture ou bien demande spécifiquement à sa femme de lui préparer ce dont il a envie—et lui fournit même la recette.
On le voit, la nourriture est toujours au centre de la famille. C'est une femme qui la prépare et la distribue, mais cette femme est souvent ‘dédoublée’ par la mère et la grand-mère, généralement maternelle. Ainsi, l'homme se retrouve finalement souvent entouré par la parenté de son épouse, situation autrefois dénigrée (l'époux pouvait alors être qualifié de « gendre de l'intérieur », iç güveyi), mais qui actuellement ne pose plus aucun problème. Ce sont les femmes qui gèrent le quotidien du care et qui aussi, on l'a vu, impriment leur marque sur les habitudes alimentaires de leurs enfants—sauf dans les cas où le mari impose les siennes. Ce sont elles, encore, qui insistent sur le « fait maison » et son caractère ‘sain’—et donc, sécurisant. Cependant, ce tableau est transitoire, car la génération suivante ne pourra probablement pas avoir le rôle de pivot des actuelles grand-mères. Toutefois, nous avons là une illustration de ce que Déchaux a souligné, à savoir que « selon les opportunités à saisir et les contraintes tenant à la structure du réseau, la dépendance du dominant peut-être plus ou moins forte jusqu'à rééquilibrer parfois le rapport de pouvoir entre les partenaires de l'échange » (2003 : 32).
Nous aborderons maintenant les sphères extérieures à celles de la cellule familiale proprement dite. Pour décrire la culture turque, les psycho-sociologues parlent de « culture of relatedness » (Sunar et Okman-Fişek 2005 : 11). Ils rappellent que si la famille nucléaire est bien implantée, cette famille a une « culture de la relation », de sorte que les liens débordent vers les proches parents. Aussi la famille est-elle « fonctionnellement étendue » (Sunar et Okman-Fişek 2005 : 5). Tisser des relations—le plus souvent par le biais direct ou non de la nourriture—est aussi une fonction féminine : les invitations, par exemple, sont formulées par les femmes. Du point de vue féminin, les visites et jours de réception reflètent la considération dont jouit une femme. Pour celle-ci, le mariage correspondait autrefois à une rupture de vie affective. Par suite, pour les femmes plus que pour les hommes—qui eux ne vivaient pas ce déracinement affectif—, la sociabilité était, et est restée, primordiale.
Réunions féminines, gün : une distance distinguée
L'activité majeure des relations de voisinage sont les « jours » (gün) (Bayard-Çan 2014 : 284). La constitution de ces groupes de femmes cooptées dans divers réseaux indépendants entre eux (réseaux familiaux, amicaux, d'alliance, de classe d'âge, etc.) est fondée sur le principe d'homophilie (Bayard-Çan 2014 : 284). Les participantes décident de se retrouver régulièrement pour réunir une somme ou un ensemble d'objets décidés à l'avance (des devises, de l'or, des serviettes brodées, etc.), qui seront remis à l'hôtesse de chaque réunion. Les règles de l'hospitalité dans ces gün sont partout les mêmes: il convient d'offrir au moins deux préparations salées et deux préparations sucrées, mais leur nombre peut aller jusqu'à dix ou quinze. Les plats proposés sont de ceux que l'on consomme avec le thé, ce ne sont pas des plats en sauce (yemek). L'important est la profusion, comme dans toutes les occasions de partage de nourriture avec des individus extérieurs à la famille (Bayard-Çan 2014).
Or, visiblement, la participation aux jours est classifiante. Si le fait de recevoir est toujours une source de prestige, les nouvelles générations, sans se départir totalement de leur rôle de pourvoyeuse de nourriture, du care, ont aussi développé des ressources extérieures. Si l'on considère, à l'instar de Karayiğit (2015 : 142), que par la pratique des « jours » les femmes incorporent et reproduisent les valeurs patriarcales, alors il semble évident que ces valeurs sont remises en cause, et ce par les femmes des deux groupes (seules cinq femmes dans chaque groupe participent ou ont participé autrefois à des « jours »). Même lorsque les gün continuent à procurer une respectabilité, la nouvelle génération a tendance à les proposer à l'extérieur, dans des cafés ou des restaurants. Cette transformation est liée à la volonté de manger moins, de ne pas se fatiguer ni d'être stressée—et de centrer l'événement sur les échanges, plutôt que sur la démonstration de ses prouesses culinaires. Celles qui sont explicitement opposées à ce type de pratique critiquent les commérages lors de ces réunions et l'obligation d'avoir des relations régulières et intimes avec des personnes dont on ne se sent pas forcément proches. Pour une partie de ces femmes, ces réunions ne présentent pas d'intérêt : leur stratégie n'est pas située là. Il y a progressivement une mise en place de relations par élection, le recentrage sur la famille nucléaire; le « chez soi » est valorisé, ainsi que la relation de couple (« Avec le gün, tu es obligée de demander à ton mari de sortir de la maison » ; « Ce n'est pas nécessaire.» 12/31P). Cette position est surtout celle des femmes qui travaillent, ou encore des grand-mères, c'est-à-dire de celles pour lesquelles la reconnaissance sociale n'est pas liée au seul réseau relationnel.
La distinction par le goût : Manger dehors, manger dedans ? L'alcool et la viande
Dans La distinction, Bourdieu (1979 : 204) affirme que « Le café n'est pas un endroit où l'on va boire, mais un lieu où l'on va pour boire en compagnie (…), par opposition au café ou au restaurant bourgeois ou petit-bourgeois dont chaque table constitue une petit territoire séparé et approprié (on se demande la permission d'emprunter une chaise ou une salière) ». On pourrait dire ici que le restaurant n'est pas un endroit où l'on va manger, ce n'est en tout cas pas sa fonction première : on y va aussi pour se montrer (Yalvaç 2016), c'est sans conteste une marque de modernité.
L'habitude de se rendre dans un restaurant, de manger à l'extérieur de la maison en famille ou entre amis est très nettement plus répandue chez les femmes jeunes. Là encore, il n'y a pas de différence notoire entre les deux groupes, il y a même une stricte ressemblance. Cette fréquentation a lieu environ d'une fois par semaine à une fois par mois, voire plus fréquemment chez les couples sans enfants. Par contre, chez les plus anciens, elle est extrêmement rare, confirmant que l'on a ici un facteur de distinction, au moins au niveau générationnel. Le choix des lieux de restauration va être lié soit à la proposition de mets que les femmes ne confectionnent généralement pas chez elles, tels les andouilles grillées (kokoreç), les kebap (Çağ kebabı, İskender kebabı), le döner, la pizza (lahmacun), le poisson ; soit à la proposition de plats appréciés des enfants, à savoir la viande sous forme de döner, lahmacun ou ‘hamburger’.
Le goût pour la nouveauté est plus vivace chez les non-pratiquantes, qui parlent de « sushi » ou de restaurants offrant des spécialités étrangères (italiens, Bigchef, etc.). En revanche, dans le groupe de femmes pratiquantes, la distinction se situe surtout dans le fait d'éviter les fast foods. On pourrait évoquer, à l'instar de Rankin et Ergin (2017), des tendances gustatives plus mondialisées au sein du groupe de femmes non-pratiquantes. Pour beaucoup, les lieux fréquentés sont choisis sur des critères de propreté, qui signalent en réalité une distinction sociale, voire la recherche d'un entre-soi ressenti comme sécurisant (Akarçay 2016 : 269). Les familles recherchent par ailleurs des lieux adaptés aux enfants sur les plans de l'organisation spatiale et des menus.
Quoi qu'il en soit, l'élément important dans la fréquentation des restaurants est sans conteste la viande, plébiscitée par tous. Pourtant, sa consommation moyenne en Turquie reste faible puisqu'elle se situe pour l'année 2016, à 13kg/an et par personne de viande rouge, 7kg de poisson, et 20,5kg de volailles (Süren et Küçükömürler 2018 : 40). De fait, les économistes conseillent d'augmenter la production et la consommation de viande (Özen, Tekindal et Çevrimli 2019), consommation qui fait par ailleurs partie des indices de modernité (Süren et Küçükkömürler 2018).
Pour Bourdieu (1979 : 210–211), la consommation du poisson présente des caractéristiques féminines (c'est une nourriture légère et la manière de le manger introduit des gestes plus féminins). En revanche, la viande, plat des hommes, est nourrissante, forte, donnant de la force (1979 : 214). A sa suite, les travaux sur le genre ont insisté sur la viande comme aliment masculin. Sobal (2005) et Connell et Messerschmidt (2005 : 851) considèrent qu'elle est l'aliment symbole de la masculinité hégémonique. Dans notre enquête, nous avions demandé s'il y avait des aliments plus spécifiquement masculins ou féminins : les deux-tiers des réponses, tous groupes confondus, ont signalé la viande pour les hommes (23 sur 32), mais aussi la cuisine ‘fait maison’ (les plats en sauce, ‘sulu yemeği’). La viande comme plat exclusif reste, sauf dans des cas particuliers, une consommation extérieure. Par contre, c'est l'aliment dont raffolent les enfants. L'engouement des enfants pour ces plats (garçons ou filles) est peut-être aussi un reflet des tendances consuméristes et des campagnes de publicité. Il est certain que la consommation de la viande est liée à la sociabilité masculine : dans les villages, ce sont les hommes qui tuent les animaux lors du sacrifice, et ce sont eux qui cuisinent à l'extérieur la viande en brochettes ou grillades. Les ragoûts sont, eux, préparés par les femmes. En ville, les barbecues d'été sont connus pour être une tâche prisée par les hommes. Il faut, dans le cadre de la Turquie, ajouter le poisson qui, provenant de la pêche, est rapporté par les hommes (Sauner-Nebioglu 1995). Par ailleurs, sauf dans les restaurants destinés à l'élite, le poisson est normalement consommé avec les mains ; l'alcool lui est souvent associé, ce qui explique peut-être ce rattachement au masculin3.
Les lieux de restauration en Turquie sont traditionnellement distingués selon qu'ils offrent ou non de l'alcool. Le caractère de leur clientèle varie. Dans notre enquête, si le groupe des femmes pratiquantes ne consomme pas d'alcool, il est parfaitement clair que le groupe des femmes non-pratiquantes a une consommation d'alcool explicitement sociale et distinctive. En effet, en dehors de deux femmes dont les maris boivent régulièrement du raki et pour lesquels elles préparent « une table de raki », avec des plats particuliers (meze) consommés en accompagnement de l'alcool, les autres en boivent très rarement : lors d'une invitation avec des collègues de travail du conjoint, lors d'occasions festives (tels les mariages), et parfois à l'occasion d'une sortie au restaurant. Cependant, la génération des trentenaires est plus encline à « prendre un verre » entre amis en sortant du travail. Une seule personne interrogée précise boire de l'alcool chez elle en dehors des repas. La bière fait figure d'exception, puisqu'elle a été mentionnée comme boisson sans que son caractère de boisson alcoolisée ne soit très clair (« Je bois parfois une bière en été mais je ne bois pas d'alcool »4 27/68NP).
En ce qui concerne les nourritures appréciées par les femmes, les réponses présentent un éventail beaucoup plus large, mais ne mentionnent pas la viande. Les femmes ont plutôt des préférences comme la salade, les plats de légumes, dans un souci à la fois d'esthétique corporelle, mais aussi de santé. Toutefois, elles apprécient aussi les plats nettement plus déséquilibrés au niveau nutritif, tels les gâteaux et autres feuilletés, les feuilles de vigne (dolma), tous présentés lors des réunions féminines. Il faut le rappeler, Connell et Messerschmidt (2005 : 851) considèrent la viande pour les hommes et les aliments ‘sains’ et légers pour les femmes comme des nourritures spécifiquement genrées. Toutefois, un tiers des femmes interrogées ont été étonnées par la question portant sur les nourritures propres aux femmes, considérant qu'il n'y a pas réellement de plats spécifiquement féminins. Nous retrouvons peut-être ici ce que notent Lax et Mertig, (2020 : 423) : les hommes seraient plus enclins à reconnaître l'aspect ‘masculin’ de la consommation de viande, alors que les femmes éviteraient l'affirmation de pratiques de consommation genrées. Par ailleurs, au terme de cette étude, il apparaît que d'un point de vue sémiotique, les plats sont bien révélateurs du type de relation mis en œuvre : les plats en sauce (à la viande ou non, revenue, puis bouillie) sont consommés entre soi / à la maison ; les feuilletés à base de pâte, les cakes ou encore les feuilles de vigne dits dolma, plus ‘secs’, sont consommés dans le réseau féminin ; enfin, les plats de viande grillée le sont, eux, dans un cercle extérieur, celui de la distinction, de la masculinité. Les préférences citées par les femmes recourent donc à cette classification, en la mettant en cause parfois.
Conclusion
Nous l'avons noté à plusieurs reprises, les pratiques et positionnements sont comparables entre les deux groupes de femmes que nous avons interviewées. Il est vrai, notre choix ne s'est pas porté sur des femmes militantes, qu'elles soient laïques ou conservatrices. Les habitudes et positionnements des femmes non pratiquantes, en dehors de ce qui leur sert de distinction (l'alcool et une plus grande curiosité gustative) ne sont pas très différents de celles des femmes pratiquantes. Les différences proviennent de manière plus nette d'éléments tels l'âge ou la génération, mais aussi de l'origine sociale et de la qualité des relations entre époux.
Un ajustement constant dans les rapports de couple est nettement visible. Devenus indépendants, les couples sont en même temps demandeurs d'aide, notamment nourricière. Par ailleurs, dans ce processus lent et peu visible, des relations par élection et des formes d'individualité se mettent progressivement en place. Ce constat rejoint nos observations au sujet des photographies de famille (2017), ainsi que celui de Ak Akyol et Ökten Gülsoy (2014 : 296), qui décrivent le bricolage culturel des jeunes femmes, entre processus d'individualisation et conformité à l'univers normatif des parents. Ce processus peut être compris comme le produit de la « non coïncidence entre schèmes incorporés et schèmes de socialisation » (Kaufmann 2001: 152), probable résultat des transformations importantes qu'a connues la Turquie, donnant lieu à une hétérogénéité des socialisations (Fliche 2012).
Les femmes des nouvelles générations se trouvent à une interface, entre le soutien de leurs aînées et une indépendance devenue plus accessible. Par suite, si la fonction traditionnelle de la mère, pourvoyeuse de sécurité alimentaire et affective, est toujours bien acceptée, elle est contrebalancée aujourd'hui par des négociations continuelles et un recentrement sur la famille nucléaire, un choix opéré au niveau des relations électives. Il serait donc possible d'arriver à une conclusion semblable à celle proposée par Karakaya (2018 : 222) au sujet des femmes de la bourgeoisie conservatrice : les femmes changent le monde sans faire de bruit.
Remerciements
Je remercie toutes les femmes qui ont bien voulu participer à l'enquête, Ünzile Doğan pour son aide, Marie Vogel pour sa relecture d'une version antérieure de cet article ainsi que les éditeurs de ce numéro, Christian Bromberger et Eléonore Armanet pour leurs corrections et suggestions.
Notes
Dans la suite du texte, pour insérer des citations, nous préciserons « P » (pratiquante) ou « NP » (non-pratiquante), précédé du numéro correspondant à la femme enquêtée, ainsi que son âge.
Sur cette notion et son étude au sein des familles françaises, voir N. Jonas et M.-C. Le Pape, 2007.
Pour une discussion sur les classifications des aliments rattachés à un système de représentation du monde, voir Bromberger pour l'Iran (1986).
Il existe deux termes distincts en turc : « içecek » : boisson ; « içki » : boisson alcoolisée. La réponse comportant de la bière a été donnée pour les boissons içecek.
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Annexe
Femmes pratiquantes
No | Age | Activité | Lieu d'origine |
---|---|---|---|
1 | 44 | Travaille (textile) | Istanbul |
2 | 38 | Travaille (informatique) | Istanbul |
3 | 33 | Travaille (informatique) | Sakarya arrive à Istanbul par mariage |
4 | 34 | Travaille (informatique) | Istanbul |
5 | 32 | Comptable | Izmit, puis Istanbul pour travailler |
6 | 34 | Femme au foyer | Sivas, puis Istanbul |
7 | 38 | Femme au foyer | Sivas, Yozgat, puis Istanbul |
8 | 54 | Retraitée (RH) | Istanbul |
9 | 39 | Travaille (gestion pharmacie) | Istanbul |
10 | 53 | Retraitée Impôts + cours hobby | Istanbul |
11 | 39 | Home office | Tokat, Yalova, puis Istanbul |
12 | 31 | Travaille (informatique) | Istanbul |
13 | 44 | Femme au foyer | Istanbul |
14 | 70 | Femme au foyer, veuve | Istanbul |
15 | 65 | Femme au foyer | Akçakoca arrive à Istanbul par mariage |
Femmes non-pratiquantes
No | Age | Activité | Lieu d'origine |
---|---|---|---|
16 | 38 | Enseignante (langue), université | Istanbul |
17 | 60 | Femme au foyer | Istanbul |
18 | 34 | Travaille (restaurant) | Kars, arrive à Istanbul par mariage |
19 | 56 | Retraitée enseignante | Istanbul |
20 | 63 | Retraitée institutrice | Istanbul |
21 | 34 | Enseignante (langue), université | Istanbul |
22 | 44 | Travaille (tourisme) | Ankara, puis Istanbul |
23 | 35 | Travaille (tourisme) | Istanbul |
24 | 39 | Travaille (tourisme) | Izmir, puis Istanbul |
25 | 37 | Travaille (banque) | Izmir, puis Istanbul |
26 | 70 | Retraitée institutrice | Konya se marie à Ankara, puis Istanbul |
27 | 68 | Retraitée comptable | Istanbul |
28 | 33 | Employée fonctionnaire | Malatya, arrive à Istanbul pour étudier |
29 | 63 | Femme au foyer | Çorum arrive à Istanbul par mariage |
30 | 41 | Universitaire | Istanbul |
31 | 43 | Employée fonctionnaire | Eskisehir, puis Istanbul |
32 | 55 | Femme au foyer | Istanbul |