Au Maroc une étude récente a montré que tous milieux sociaux, tous âges et tous milieux de vie (rural, urbain) confondus, 71,5 pour cent des hommes et 48,7 pour cent des femmes considèrent que « Le rôle le plus important d'une femme est de s'occuper de la maison et de cuisiner pour la famille » (IMAGES 2019). D'ailleurs, seul.e.s 34 pour cent des hommes comme des femmes ont le souvenir d'avoir vu leur père préparer les repas durant leur enfance et encore, cela arrivait souvent lors des moments exceptionnels comme lorsque la mère était malade ou lors de la naissance d'un autre enfant qui rendait la mère indisponible. Ainsi, les repas sont avant tout une affaire de femmes. Il n'est pas étonnant par conséquent que cela soit une préoccupation majeure pour elles en termes d'emploi du temps. Les ouvrières du textile dont nous allons parler ici ajoutent à cette question d'organisation des préoccupations liées à leurs revenus pour acheter des aliments et à l'accès à des équipements pour cuisiner. La responsabilité qui pèse sur elles révèle une organisation sexuée de la société marocaine qui soutient que la place des femmes est auprès de leur famille, dans leur maison, comme un élément constitutif de leur identité de femmes (Lacoste-Dujardin 1996).
Au cours d'une enquête menée de 2012 à 2015 (avec des compléments et mises à jour en 2016 et 2018)1, nous avons étudié les modes de vie, de travail et d'accès à la ville d'ouvrières du textile à Rabat et à Tanger2. L'article repose notamment sur cette enquête qui a comporté 90 questionnaires qualitatifs réalisés auprès d'ouvrières du textile à Rabat et à Tanger, de même que des entretiens individuels approfondis auprès d'une vingtaine de femmes à Rabat et d'une vingtaine à Tanger menés par une équipe de chercheur.e.s marocain.e.s et françaises en arabe dialectal. Des cartes mentales sont venues compléter cette approche à Tanger et des parcours commentés de trajets dans la ville ont été effectués avec une dizaine d'ouvrières à Rabat. Des entretiens complémentaires avec des ouvrières avec lesquelles nous avons gardé le contact ont été menés dans les années qui ont suivi afin de relever l'évolution de leur situation.
Dans les usines enquêtées, 90 pour cent des ouvriers sont des ouvrières. Elles travaillent dur sur des chaînes de production sous-traitantes pour des marques européennes de prêt-à-porter ou de sport et gagnent peu. La crise économique de 2008 a fait baisser leur salaire de 3000 MAD avant la crise à 1200 MAD3 par mois pour 2018. Près de 70 pour cent d'entre elles dans nos enquêtes ont déclaré être soutien de famille (parent, frères et sœurs plus petits ou plus grands) et apporter dans leur propre foyer le seul revenu sur lequel il peut compter. Il n'est pas étonnant dans ce contexte que l'alimentation soit une de leurs préoccupations majeures. La réalité du vécu des femmes à ce propos est liée non seulement à la charge mentale qu'elles supportent quasi-exclusivement mais également à leurs conditions d'accès aux espaces publics urbains, au faible niveau de développement des services publics urbains de la vie quotidienne (l'accès à l'eau ou à l'énergie par exemple peuvent être problématiques) et à leurs conditions, souvent précaires, de logement et de vie qui semble uniquement faite de labeur.
Il s'agira ici de comprendre les contraintes multiples qui pèsent sur les ouvrières du textile, en particulier celles liée à l'alimentation qui, malgré une situation qui s'améliore sur le plan national, n'est pas garantie pour tous les types de populations. Puis nous verrons que loin d'être seulement des victimes, elles mettent en place des stratégies de résistance pour souffler un peu et se déployer dans la ville tout en restant dans les limites de ce qui est acceptable socialement et accessible financièrement pour des femmes de milieux populaires. Le pique-nique fait partie de ces stratégies de résistance non frontale. Il suffit de parcourir les villes lors des beaux jours de repos pour constater que le pique-nique est une pratique très largement répandue. Assises sur des tissus au milieu de terrains vagues, sur des terre-pleins herbeux, sur des ronds-points, dans des parcs et des forêts urbains ou périphériques, partout des familles mangent en plein air. Le pique-nique, qui signifie aujourd'hui manger dehors de façon générique, est un moyen de transgresser gentiment les règles sociales couramment admises, de s'approprier un espace et d'alléger les contraintes. Sous son apparente futilité, la pratique du pique-nique exprime une urbanité des femmes des milieux populaires peu explorée.
Un enjeu majeur pour les ouvrières : se nourrir et nourrir leur famille
Le Maroc est un pays très inégalitaire en général (67e rang pour l'indice de Gini sur 161 pays en 2018) et entre les femmes et les hommes (121e rang sur 189 pays). Même si elle est considérée comme globalement faible, la prévalence de la sous-alimentation reste une question très présente dans le pays où, en 2018, « 14 millions de Marocains [étaient considérés comme] sous-alimentés 4». Cette sous-alimentation touche une femme sur dix, en particulier dans les populations les plus vulnérables où le déficit énergétique est chronique, note la Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). Elle recense une prévalence de l'anémie chez les femmes en âge de procréer en hausse constante depuis 2010, qui atteint pour 2016 un tout petit peu moins de 37 pour cent5. Le même rapport note que, dans le même temps, la disponibilité en protéines et la suffisance des apports énergétiques alimentaires moyens augmentent de façon générale et assez rapidement dans le pays. La question n'est donc pas tant la disponibilité alimentaire sur le marché que son accessibilité en termes de revenus. On sait par ailleurs que le taux de pauvreté monétaire est de 1,9 pour cent pour les femmes et de 1,6 pour cent pour les hommes. Au Maroc en 2018, environ 20 pour cent des foyers sont dirigés par une femme, dont 67,5 pour cent sont veuves ou divorcées et doivent donc assurer les revenus de leur foyer. Or près de 81 pour cent d'entre elles n'ont aucun diplôme, et seules 23 pour cent sont comptabilisées comme actives occupées6. Les ouvrières du textile que nous avons rencontrées entrent pour beaucoup dans cette dernière statistique et expliquent leur inquiétude quant à l'accès à la nourriture avec leur maigre salaire.
Pour terminer ce tour d'horizon statistique contextuel, on note que selon l'enquête nationale sur l'emploi du temps menée par le Haut-Commissariat au Plan en 20127, le temps consacré quotidiennement aux travaux domestiques et soins donnés aux autres membres du ménage s'élève à 43 minutes pour les hommes et à cinq heures pour les femmes au total, toutes catégories confondues. Ce qui est intéressant pour comprendre que ces inégalités sont structurelles, c'est de voir que quel que soit le niveau scolaire des hommes, ce temps varie très peu. Ainsi, le temps passé aux travaux domestiques et aux soins aux autres est de 49 minutes pour un homme n'ayant aucun niveau scolaire et de 54 minutes pour un homme d'un niveau scolaire supérieur, soit une différence de seulement cinq minutes par jour. La durée consacrée aux travaux domestiques et aux soins à autrui pour les femmes varie davantage puisque les femmes sans niveau scolaire y consacrent 5h12 en moyenne quand une femme d'un niveau scolaire supérieur y consacre 3h36 dans sa journée. Le jour de la semaine ne change rien : de façon globale, les femmes y passent environ 5h et les hommes moins de trois-quarts d'heure. Cela signifie que les femmes, qu'elles travaillent ou non, portent le poids des travaux domestiques et du soin aux autres, celles ayant fait des études réduisant leur temps, notamment en externalisant ces travaux domestiques par l'emploi d'une femme de ménage, puisque les hommes ne participent pas davantage.
Hafida, ouvrière de 47 ans à Tanger, raconte son emploi du temps quotidien de la manière suivante :
Le matin, je me réveille à 5h. Je fais ma prière, je fais cuire le pain et je prépare le petit déjeuner pour moi et ma famille. Je prépare un thermos de repas pour mon mari et pour moi pour le midi. Je sors à 6h de la maison pour commencer le travail à 7h. A 10h30 nous avons une pause. On reprend le travail à 11h jusqu'à 15h30. Je rentre directement ou alors je fais des courses pour le repas. J'arrive vers 17h à la maison où je fais le ménage, je prépare le dîner et le déjeuner du lendemain. Je fais le pain pour qu'il lève pendant la nuit. Je m'occupe de mes enfants avec les devoirs. On mange vers 19h30 ou 20h puis je range tout, je m'occupe de mes enfants, je fais parfois la lessive et je dors vers minuit.
A la charge de la préparation du repas pour la famille, s'ajoute celle du repas qui sera apporté le lendemain à l'usine pour le contremaître, soit pour s'en faire remarquer positivement, soit par contrainte pour conserver leur place à l'usine. Cette forme de corruption via la nourriture semble très répandue et les ouvrières rivalisent de savoir-faire pour lui apporter des plats, à défaut de fournir des tissus à djellaba ou d'acheter des « cadeaux ». Ainsi, la nourriture est aussi une forme d'écot payé par certaines ouvrières qui manifestent leur subordination dans la hiérarchie de l'usine et contribue par ailleurs à compenser un salaire de contremaître lui aussi trop maigre.
Outre les heures d'embauche et de sortie de l'usine qui sont déterminantes, les journées de Hafida, largement rythmées par les repas et leur préparation, ressemblent à celles de beaucoup d'autres ouvrières que nous avons rencontrées. Une des préoccupations principales des ouvrières en dehors du travail est donc de faire à manger et le temps des repas, pris en famille ou, le midi, entre ouvrières assises sur le trottoir devant l'usine. Concernant leur ration alimentaire, elles estiment globalement qu'elles se nourrissent plutôt bien, en tout cas qu'elles n'ont pas faim en général. Mais lorsque l'on entre dans le détail de ce qu'elles mangent, elles expliquent qu'elles mangent de la viande rouge, pour les plus chanceuses, deux fois par mois et, pour les autres, plus nombreuses, une seule fois par an lors de la fête de l'Aïd ou lorsqu'elles se rendent à un mariage. La plupart d'entre elles se nourrissent essentiellement de légumineuses (pois chiches, pois cassés, fèves, haricots, lentilles…) et de légumes (tous les jours). Bien que les fruits soient une composante importante du régime alimentaire marocain8, nombreuses sont les ouvrières qui affirment n'en consommer que trois à quatre fois par semaine voire, pour certaines d'entre elles, seulement aux cérémonies de mariage. Le pain, la plupart du temps fait à la maison, reste une base importante de leur régime alimentaire quotidien. Il est consommé en grande quantité par les ouvrières. Le petit déjeuner est composé de pain avec de l'huile et du thé vert sucré, le repas de la mi-journée s'accompagne de pain pour servir de fourchette et consommer la sauce, quand le pain n'est pas le principal ingrédient, agrémenté d'olives ou parfois de sardines, d'omelette et/ou de tomates. Certaines d'entre elles achètent un sandwich à base de thon à proximité de l'usine lorsqu'elles n'ont pas pu préparer leur déjeuner à la maison. Mais le coût est plus élevé et cette option est plus souvent une solution de dépannage. Le goûter est très fréquent. On y consomme du pain que l'on humecte d'huile, des petites crêpes et on sert du thé vert sucré. Pour beaucoup d'ouvrières, ce goûter pris vers 18h fait aussi office de dîner. Pas étonnant dans ces conditions qu'elles souffrent d'anémie. Avec un rythme de travail harassant durant 8 à 10 heures par jour à l'usine, des transports souvent éprouvants et les 5 heures de travail domestique, les ouvrières considèrent qu'elles travaillent bien au-delà de leurs capacités physiques, et constatent une rapide dégradation de leur corps (Khalil, 2013). Elles ont peu de possibilités pour se détendre et se reposer. Une des ouvrières, 35 ans, rencontrées à Rabat, terminant le récit de son emploi du temps baissa ainsi la tête et avoua dans un souffle : « En vérité, je n'ai plus de vie ; on dirait que je suis une machine qui n'arrête que pour fermer les yeux quelques heures ».
Bouchra, responsable syndicale dans une usine de Rabat qui a fermé depuis l'enquête, explique que, parmi les ouvrières, certaines s'entraident et s'organisent pour améliorer leur quotidien et leur approvisionnement en aliments plus variés et surtout à moindre coût. Faisant appel à la solidarité, et reconnaissant collectivement leurs problèmes liés à l'alimentation, de petits groupes mettent en place une organisation pour rendre à la fois les courses et les repas plus faciles. Bouchra et quatre autres ouvrières, toutes voisines, se rendent très tôt et à tour de rôle le samedi matin au marché au gros de Rabat afin de faire des achats groupés et faire ainsi des économies d'échelle. Elles profitent de la voiture d'un voisin qui s'y déplace pour travailler et y achètent oignons, pommes de terre, légumes, fruits, œufs et parfois poulet ou plus rarement viande de bœuf ou de mouton en assez grandes quantités qu'elles se partagent ensuite et/ou revendent à leurs proches, avec parfois une toute petite commission. De cette manière, elles réalisent des économies à la fois en termes de budget consacré à l'alimentation, mais aussi en temps puisqu'elles ne font elles-mêmes ces courses qu'une fois par mois. Mais une telle organisation nécessite à la fois confiance et stabilité des ouvrières. Ce système repose sur une mise en commun d'une partie de leur salaire hebdomadaire. Fatima, voisine de Bouchra de 42 ans, estime que c'est un « bon système » qui répond à ses besoins car « Mon mari veut voir la marmite bouillir sur le feu chaque jour ». Et pour cela, il est indispensable de se ravitailler…
Faire la cuisine dans des milieux de grande vulnérabilité économique et de logement précaire peut s'avérer être compliqué, même lorsque l'accès aux aliments est résolu ou partiellement résolu.
La plupart des ouvrières que nous avons rencontrées vivent dans des quartiers spontanés où l'accès à l'eau et à l'électricité n'est pas toujours garanti. A Rabat, la majorité des répondantes vivent à Youssoufia près de la zone industrielle. Il s'agit d'un quartier qui s'est construit sans aucune autorisation sous forme d'un bidonville d'abord, puis certains espaces se sont « durcifiés » et des constructions en parpaings et en briques ont remplacé les maisons de tôle. Ce quartier a bénéficié à partir de la fin des années 1990 de plans de restructuration étatiques, qui les ont en partie équipés des services essentiels (Gillot et al. 2015). Mais un bidonville ancien, Douar Doum résiste juste à côté. Ainsi, même parmi les ouvrières, les différences de modalité de logement sont très importantes. On a relevé que la plupart vivent dans des logements très exigus, souvent une seule pièce pour toute la famille où il faut donc loger la cuisine. Equipées soit de plaques de cuisson électriques soit d'une cuisinière (électrique ou plus souvent à gaz—qu'elles se procurent en bouteille), les ouvrières entassent dans la pièce leurs ustensiles de cuisine sans avoir la possibilité de s'installer véritablement et en sécurité pour cuire un repas. Elles cuisinent plutôt le soir en rentrant de l'usine parce que le matin, elles se lèvent très tôt et risqueraient de réveiller toute la famille. L'accès à l'eau courante n'est pas généralisé dans ces bâtisses, c'est pourquoi certaines d'entre elles fonctionnent avec des seaux pour aller chercher de l'eau à la borne fontaine et font la vaisselle à l'extérieur dans des bassines. Tous ces récipients assez gros doivent être stockés dans un espace très petit et inconfortable.
Parmi les ouvrières rencontrées à Tanger, certaines vivent à Bir Chifa, un quartier du sud de Tanger construit lui aussi illégalement. Il est composé de bâtisses de plusieurs étages en parpaings avec des routes très irrégulières, étroites, et des espaces de bidonvilles disséminés à l'intérieur. Les ouvrières auprès desquelles nous avons enquêté vivent dans ce que nous avons appelé « la maison des ouvrières » : elles sont 17 jeunes femmes à y vivre en location, seules ou en colocation avec une ou deux autres camarades d'usine dans une pièce au mobilier très dépouillé. La « maison » dispose d'une cuisine, une douche et de toilettes pour trois étages. Ces jeunes femmes cuisinent la plupart du temps pour elles-mêmes, individuellement, mais partagent le repas du vendredi, traditionnellement un couscous, qu'elles préparent ensemble le soir. La cuisine comprend un réfrigérateur, un bac, un plan de travail et une gazinière. Il n'y a ni table ni chaise ni aucun ustensile dans la cuisine, chacune gardant les siens propres dans sa chambre. La pièce n'est pas aérée. Lorsqu'elles cuisinent le couscous qui produit beaucoup de vapeur, elles ouvrent la fenêtre qui donne sur la chambre de l'une d'elles qui ouvre également la fenêtre de sa chambre. On le voit bien, cuisiner dans ces conditions n'est pas très simple, mais les repas faits maison restent les moins chers, alors elles s'y astreignent. Beaucoup d'entre elles avouent ne manger un « vrai repas » que le midi.
En fin de semaine, lorsqu'elles ne travaillent pas à l'usine, les ouvrières se reposent, s'occupent de leur lessive, font du ménage, s'occupent de leurs enfants et rendent visite à leurs proches, famille ou amis. Peu d'entre elles disent avoir des loisirs personnels. En effet, le stéréotype de la femme laborieuse (pour sa famille) et donc considérée par là-même vertueuse est très présent chez elles, sans compter qu'elles luttent en permanence contre le jugement social selon lequel en travaillant à l'extérieur, elles abandonnent leur famille (Scott 2002). En effet, selon l'enquête IMAGES, il est « plus important pour une femme de se marier que de faire carrière9 ». Dans ce contexte, les « temps de plaisir et de repos pour lutter contre leur surcharge chronique » (de Suremain 2017 : 73) sont très rares. Pourtant, les ouvrières du textile sortent. Le pique-nique est l'une des manières de relâcher la pression et concilie de multiples formes de résistance aux pressions sociales ou quotidiennes. A la fois sortie plaisir et utile, le pique-nique répond également à une manière d'être dans la ville, de revendiquer son « droit à la ville » dans un équilibre entre être visible et invisible. Il crée des micro-espaces de liberté le temps d'un repas peu conventionnel.
Pique-niquer : un acte d'affirmation familiale et citadine
Les ouvrières du textile ont un budget très serré. Il n'est dès lors pas question de fréquenter les restaurants, sans compter que ces derniers ne permettent pas de passer la journée à l'extérieur : une fois qu'on a déjeuné, il faut partir. Le pique-nique, ou déjeuner en plein air, souvent dans un espace de nature, est extrêmement populaire et très largement pratiqué. Repas pris sur l'herbe, mais qui ne se limite pas au fait de manger, c'est une tradition ancienne qui a survécu à toutes les modes. Rien ne semble pouvoir le détrôner chez les personnes modestes.
On peut considérer que les pique-niques contemporains sont en quelque sorte hérités des fêtes de printemps, très courantes depuis des siècles dans de nombreuses cultures. Célébrant le renouveau de la nature après l'hiver, les fêtes de printemps se déroulaient à la campagne et prenaient la forme de « parties de campagne ». Au Maroc, surtout célébrée à Fès, la nzaha a été observée et décrite par Roger Le Tourneau pour les années 1900. Signifiant « délassement », la nzaha n'avait lieu qu'au printemps. Elle était pratiquée par tous les habitants, mais ne constituait pas une habitude hebdomadaire comme c'est le cas aujourd'hui. Il s'agissait de sortir s'aérer, se « verdir les yeux » (Laâbi 2002) et de déjeuner dehors. La nzaha ne se concevait qu'en famille.
Prolongements modernes de cette tradition, souvent vécus comme une fête, comme des moments privilégiés de partage et de détente, les pique-niques se prévoient à l'avance, demandent un peu d'organisation : ils sont familiaux et entraînent donc le transport d'une grande quantité de matériel et de nourriture. Ils durent en général plusieurs heures (voire toute la journée) au cours desquelles les femmes jouent un rôle central, physiquement et symboliquement. Massivement pratiqué, le pique-nique marque les espaces publics à travers les aménagements urbains qu'il a entraînés. On trouve des tables et des bancs, parfois des barbecues spécialement dédiés aux pique-niques dans les grands parcs urbains, en bordure des fleuves et dans les forêts périurbaines autour des grandes villes, car le pique-nique est avant tout un loisir d'urbains. Manger un sandwich à la hâte dans un parc à la pause déjeuner n'est pas considéré comme un pique-nique (Gillot 2002).
Le pique-nique : affirmer sa présence dans la ville
Pour être légitimes dans les espaces publics urbains, les femmes ont besoin d'une « bonne raison » à la fois pour elles-mêmes et pour la société (Coutras 1996). Sortir manger en famille fait partie de ces bonnes raisons qui justifient totalement leur sortie à l'extérieur de leur domicile, alors même qu'elle n'est pas liée à une activité utile au sens matériel du terme. De façon générale, tant que les femmes sont accompagnées par leur famille, elles sont à leur place. Leur place est même centrale dans les pique-niques, de la préparation à l'organisation sur place. Les familles occupent l'espace à partir d'un marqueur essentiel qui le délimite : le tissu (nappe ou tapis) que l'on pose par terre et sur lequel les aliments (préparés ou bruts) sont déposés ainsi que le petit matériel destiné au repas. L'espace approprié est marqué par d'autres objets qui définissent le territoire familial (Rémy et Voyé 1981) comme le réchaud à gaz pour faire le thé ou les jeux pour les enfants (ballon, cartes) et les chaussures que l'on s'empresse d'ôter dès que la nappe est installée par terre. La mère s'assoit sur la nappe et distribue les victuailles. Il arrive qu'elle n'en bouge plus de toute la journée, discutant et se reposant pendant que les autres membres de la famille vont et viennent autour d'elle (Gillot 2008).
« Bonheur ordinaire » (Barthe-Deloisy 2008), le pique-nique est pour les couches populaires une manière de prendre possession d'une ville qui n'a généralement pas été conçue pour elles et dont elles sont souvent exclues en raison de leur faible pouvoir d'achat. Repoussées aux marges, les ouvrières et leurs familles conquièrent les espaces publics de la ville en imposant leur présence colorée, bruyante, parfois odorante (les brochettes cuites au barbecue) et extensive. La ville devient, le temps d'un pique-nique, un territoire ouvert, accueillant, où elles se déploient joyeusement, laissant loin derrière elles les soucis et les blessures physiques et morales de leur travail.
Cette prise de pouvoir tranquille et pacifique des espaces libres rend les familles populaires visibles dans la ville quand d'ordinaire elles peuvent être invisibilisées derrière de grands murs pour que les passants ne voient pas leurs bidonvilles, ou par leurs occupations économiques qui les enferment huit à dix heures par jour dans des usines, ou présentes dans la rue à des horaires décalés. Ces populations mettent en place une résistance passive (Scott 1985) aux aménagements des villes qui tendent à leur intimer l'injonction de se fondre dans le décor, à la fois comme ouvrières (pauvres) et comme femmes. La pratique du pique-nique donne ainsi lieu à de petites transgressions d'occupation de l'espace. Les familles se rendent dans des espaces où on ne les attend parfois pas comme sur des terre-pleins centraux herbeux des beaux quartiers résidentiels où il y a des fleurs, des arbres et peu de voitures qui circulent le week-end. Elles s'installent sur des ronds-points dans les centres-villes, le long des autoroutes paysagées, sur des remblais dominant la mer à Rabat. Elles choisissent d'aller de l'autre côté du fleuve Bouregreg en face de la promenade aménagée où il est interdit de pique-niquer. On les trouve sur les terrains vagues à côté de la zone archéologique du Chellah, et partout où elles peuvent trouver nature et tranquillité. Soudainement, les familles populaires se déploient de façon visible voire ostensible dans les espaces publics urbains, affirmant par là même qu'elles aussi ont droit à la ville (Lefebvre 1968).
Pratiquer toute la ville en s'installant pour un pique-nique est une remise en cause, réelle mais tranquille, du déterminisme spatial que les divisions sociales entraînent dans les usages de la ville. Répétés encore et encore, les pique-niques qui se tiennent dans des lieux où ils ne sont pas attendus finissent par entraîner la considération des pouvoirs publics qui les gèrent. Souvent, ces derniers en viennent à reconnaître les populations qui les fréquentent par l'entretien de ces espaces au risque, dans le cas contraire, de déclasser certains quartiers. C'est ainsi que l'ordre social/spatial est (un peu) remis en cause. Conscientes ou pas, ces « tactiques des démunis transgressant les hégémonies quotidiennes » (de Certeau 1985) sont des formes de résistance à la ségrégation socio-spatiale, sans pour autant la remettre totalement en cause puisque l'occupation n'est que temporaire, le temps d'un déjeuner sur l'herbe. L'espace urbain est bel et bien, pour ces familles, une ressource de liberté et de déconfinement qui leur rend plus supportables des espaces domestiques trop exigus où elles s'entassent durant la semaine. Massifs, les pique-niques peuvent sans doute être considérés comme des « non-mouvements sociaux » (Bayat 2010) pacifiques et joyeux, qui montrent que les familles ouvrières que l'on a approchées ont une « conscience différentielle » (Sandoval 2011) des usages de la ville. Autrement dit, elles résistent, à défaut de le contester ouvertement, à l'ordre socio-économique produit par la gentrification et des aménagements élitistes qui souvent ne les concernent pas.
Le pique-nique : un espace de micro transgressions et de liberté
Les pique-niques, d'un point de vue plus individuel pour les ouvrières, sont des moments de lâcher-prise avec le quotidien. Comme la plupart des repas, hors le petit-déjeuner qui est un moment plus solitaire (Grataloup 2017), le déjeuner sur l'herbe est un moment collectif d'alimentation qui permet de tisser la vie sociale sur un mode festif. Ce qui le caractérise est ce qui en fait son attrait : il s'émancipe d'un certain nombre de contraintes sociales. En effet, il est spontanément anarchique car il ne se déroule pas de la même manière qu'un repas codé, à table (Barthe-Deloisy 2008). Les participants sont assis par terre, dans l'herbe, picorent les aliments dans un ordre qui peut parfois être totalement différent de l'ordre habituellement respecté à la maison. Excepté en période de fête, où les familles emportent avec elles des plats plus élaborés, le repas est composé d'une nourriture préparée à l'avance qui peut être partagée et divisée facilement en portions individuelles : pain, œufs, olives, fromage, tomates, concombre, briouates10, fruits, graines, biscuits secs etc.… Il peut également être préparé in situ lorsqu'il s'agit de faire des sandwichs. On assemble alors sur place les différents aliments.
Chacun s'organise, libre de manger ce qu'il veut, dans l'ordre qu'il veut. On peut, par exemple, commencer par les fruits alors qu'en général ils sont dégustés à la fin d'un repas, grignoter des légumes crus puis des graines, un œuf, etc., ce qui correspond à un repas totalement « dans le désordre ». Les codes de la commensalité sont souvent transgressés pendant ce repas : les enfants peuvent se lever et jouer entre les mets, ne pas les manger en même temps que les autres participant.e.s au pique-nique. On s'essuie les doigts sur la nappe ; on picore de-ci, de-là ce qui se trouve sur la nappe ; on mange allongé dans l'herbe ; le repas peut durer toute la journée si le cœur leur en dit. Cette manière de manger est très spécifique et casse les codes d'une conduite considérée comme convenable, tout en tissant des liens d'intimité liés au partage de la nourriture. Elle rassemble, répond aux pratiques alimentaires d'un groupe social (la famille, les couches populaires) et transmet des règles de sociabilité entre les groupes familiaux. Ainsi, on observe souvent des pique-niqueurs installés assez proches les uns des autres, mais respectant une certaine distance sociale qualifiée par Goffman « d'inattention polie » (Goffman 1973) qui marque le respect de l'intimité des autres dans leur présentation en public. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'au Maroc, la présentation de soi est l'affaire de tous. Rarement une attitude non conforme aux normes sociales passera inaperçue, sans être jugée ni condamnée par les personnes présentes. Ainsi, les transgressions qui ont lieu sont de petites transgressions, qui n'entraînent pas l'opprobre sociale publique.
Malgré le contrôle social, ce moment-là est vécu par tout le monde comme un temps de repos physique et moral qui vient à point lutter contre la fatigue nerveuse, l'épuisement et l'anémie. Il concentre de nombreuses qualités sanitaires : détendre les corps et les extraire de postures douloureuses et contraignantes, permettre de s'oxygéner et prendre la lumière, remplir son esprit d'images de « la » nature, jugée salubre et bonne à la fois pour le corps et l'âme. Se rendre dans un espace de nature est en effet considéré très largement comme nécessaire à la santé et jouit d'une réputation sociale extrêmement favorable, et cela dans la plus pure tradition hygiéniste du dix-neuvième siècle. Dans le même ordre d'idées, on y associe aussi des idées de moralité car les pique-niques sont censés souder les familles, les apaiser grâce au cadre naturel où l'on ne peut qu'être « vrai » et éprouver des sentiments purs (Gillot 2016). « Tu vois, ici dans ce jardin, je me sens en relation directe avec la nature, je respire. On ne peut pas mentir ici », affirme Houda, une ouvrière de 27 ans du plateau industriel installée dans le jardin des Oudayas à Rabat.
Au-delà du repas lui-même, les pique-niques sont des occasions importantes de se livrer à des jeux de plein air, de se dépenser, de bouger autrement des corps ankylosés par le travail et les tâches répétitives. Des jeux collectifs s'organisent souvent, en particulier des jeux de ballon, où tous les membres de la famille jouent, garçons comme filles. Courir, sauter, crier, chanter sont autant de gestes et de bruits que les femmes n'ont pas l'habitude de faire en public dans d'autres circonstances sous peine d'être considérées comme indécentes. Mais dans ce type d'activités, c'est possible. Le contrôle social revoit ses normes. La légèreté et la gaieté sont de mise lors des pique-niques. Ce sont des occasions de liberté d'action.
La mixité de genre marque également les pique-niques. Si l'on se rend déjeuner dehors en famille, on peut également y aller entre amis. Dans ce cas, les conversations entre jeunes de différents sexes sont admises, voire parfois encouragées. Le relâchement des corps et la détente des âmes peuvent être une invitation à faire connaissance sans susciter la réprobation. D'ailleurs, de nombreux couples pratiquent le pique-nique en amoureux. Partager un repas, c'est déjà partager une intimité. S'installer autour ou sur un même tissu, c'est déjà partager un territoire commun. Les pique-niques en tête-à-tête sont très fréquents pour des couples non-officiels qui peuvent ainsi se rencontrer loin des yeux et des oreilles de leurs proches. Peu coûteux, et ne nécessitant que peu de matériel, ils peuvent en revanche se prolonger aussi longtemps que cela est possible. Ils possèdent donc beaucoup d'avantages. Selon ce que l'on souhaite exprimer à son partenaire, le lieu sera choisi minutieusement, et souvent dans des endroits relativement isolés, dans tous les cas hors de l'espace existentiel/de l'interconnaissance afin de profiter de l'anonymat de la ville pour être autonome.
Meriem, ouvrière de 25 ans rencontrée à Tanger, ne s'était reconnu aucun loisir dans l'entretien que nous avions conduit avec elle. Par contre, en dessinant sa carte mentale de Tanger puis en la commentant, elle a fait apparaître des espaces dans lesquels elle se rendait pour faire des pique-niques. Un rond-point herbeux peu éloigné de la corniche était le point de rencontre pour des déjeuners sur l'herbe avec sa famille lorsque celle-ci venait à Tanger pour la voir certains dimanches, apportant à cette occasion des paniers remplis de victuailles de son douar d'origine11. Par ailleurs, Meriem avait dessiné sur sa carte mentale un jardin sur une falaise dominant la mer où se trouve également un café très connu à Tanger. Les détails de sa carte montraient qu'elle connaissait bien le jardin. De fait, situé dans un lieu prisé des amoureux, elle s'y rendait pour pique-niquer avec son petit ami. Personne dans la maison des ouvrières n'était au courant que Meriem avait un ami. Cette activité à la fois simple, facile à mettre en œuvre et peu onéreuse leur permettait de créer une bulle d'intimité secrète dans un espace public fréquenté. Ainsi le pique-nique des amoureux montre parfaitement que ce qui est recherché prioritairement dans cette activité à ciel ouvert est bien un entre-soi, une intimité déployée à l'air libre autour de l'acte de partager de la nourriture.
Le pique-nique donne ainsi lieu à des sociabilités qui sortent de l'ordinaire, tout en étant devenu une activité ordinaire tant il est pratiqué aujourd'hui. Il est l'occasion pour les couches populaires de prendre possession de la ville sans fracas et d'y trouver et d'y revendiquer sa place.
Conclusion
D'abord une affaire de femmes, l'alimentation ordinaire pour les ouvrières du textile que nous avons rencontrées est une préoccupation majeure en raison de leur faible revenu et de leurs conditions de logement. Souvent mal installées, avec un accès limité tant en temps qu'en espace et en diversité à une cuisine de qualité, elles souffrent souvent d'anémie et de fatigue chronique. Les moments de plaisirs hors des gestes utiles sont extrêmement rares. Le pique-nique fait partie des moments privilégiés par les ouvrières puisqu'il allie de nombreuses qualités. Il n'est pas cher car le repas est constitué de ce qui se trouve à la maison. Mis à part le coût du transport, si elles et leur famille s'aventurent un peu loin du domicile, il n'occasionne pas de dépense. Il permet de casser la routine. Il offre à ces femmes, usées par le travail à l'usine et par la charge écrasante et décourageante du travail domestique qui leur incombe entièrement, des moments de délassement et de repos hors de chez elles. Le plein air et les grands espaces sont parmi les caractéristiques qui leur font aimer les pique-niques.
Pratiques avant tout familiales, mais aussi de couples, les pique-niques des couches populaires manifestent que malgré des politiques urbaines parfois très ségrégatives ou excluantes, les espaces publics sont les conditions d'une ville accueillante et inclusive. Ils constituent aussi des ressources très importantes pour des populations d'ordinaire invisibles, tout particulièrement les femmes. La pratique des pique-niques par les couches populaires montre que l'on peut faire partie d'une « communauté imaginée » (Anderson 1983) en étant à la fois avec les autres et entre soi. Elle est révélatrice d'une forme d'urbanité qui, le temps d'un repas, permet de partager les espaces publics, de les mettre en valeur, et de favoriser les pratiques de liberté.
Notes
Programme d'excellence d'enseignement et de recherche au Sud, IRD/AIRD Université Mohamed V-Agdal Rabat, Université d'Ottawa, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, « Travail, femmes et villes au Maroc », 2012–2014 et ses compléments 2016 et 2018.
Au Maroc, le textile est un des secteurs industriels qui a bénéficié d'un soutien important de l'Etat afin de développer son influence au niveau mondial (Pacte national pour l'émergence industrielle, 2009–2015). Il est un des plus gros pourvoyeurs d'emplois puisqu'environ 27 pour cent des emplois du pays se trouvent dans le secteur du textile (http://www.amith.ma/portail/PageFR.aspx?id=64).
MAD = Dirham marocain. Environ de 300€ à 120€ par mois.
http://aujourdhui.ma/societe/fao-14-million-de-marocains-sous-alimentes.
Les éléments synthétiques de cette étude sont disponibles dans le rapport du HCP cité dans la note précédente.
Dans l'enquête IMAGES 54 pour cent des hommes et 53 pour cent des femmes considèrent qu'il « est plus important pour une femme de se marier que de faire carrière », et seuls 55 pour cent des hommes contre 89 pour cent des femmes considèrent qu'une « femme mariée doit avoir les mêmes droits à travailler en dehors du domicile que son conjoint », et comme on l'a vu plus haut, le fait de travailler ne remet pas en cause la division sexuelle du travail domestique.
Triangle de pâte très fine salé fourré aux légumes, à la viande, ou sucré fourré avec des amandes et enrobé de miel. Les briouates sont des spécialités marocaines très courantes.
Beaucoup d'ouvrières qui travaillent à Tanger sont d'origine rurale. Elles viennent de villages (douars) situés parfois à plusieurs centaines de kilomètres de la ville.
Références
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